Se déconnecter – c'est-à-dire la capacité de profiter de réelles heures de repos, sans communication relative à son emploi – est un sujet qui gagne en importance en droit du travail. À la fin de l'année dernière, l'Ontario a créé une exigence réglementaire obligeant les employeurs sous réglementation provinciale à instaurer une politique de déconnexion. Aujourd'hui, le gouvernement du Canada consulte divers intervenants pour créer un projet semblable qui s'appliquerait aux employeurs sous réglementation fédérale (p. ex., les banques, les compagnies aériennes, les entreprises de télécommunications, les radiodiffuseurs, les télédiffuseurs et les exploitants de silos à céréales). C'est ainsi que le 10 février 2022, le ministre fédéral du Travail a reçu le rapport final présentant les recommandations du Comité consultatif sur le droit à la déconnexion.
Les recommandations
Le Comité était composé de membres du gouvernement fédéral, de plusieurs associations d'employeurs, de syndicats et d'ONG. Leur rapport a permis de dégager un accord sur plusieurs points généraux, y compris les suivants :
- les employés doivent être payés pour les travaux effectués;
- l'établissement d'un équilibre positif entre vie professionnelle et vie personnelle est un objectif clé des employeurs et des travailleurs;
- les travailleurs et les employeurs ont besoin de flexibilité;
- il est nécessaire de protéger la santé et la sécurité, et il existe des situations où la communication avec les employés est essentielle;
- il est nécessaire de reconnaître les accords existants, comme les conventions collectives;
- les limites absolues (telles que la fermeture des serveurs de courrier électronique ou de l'accès au réseau) peuvent ne pas être réalistes dans certaines situations;
- il est nécessaire de protéger la vie privée et la sécurité des travailleurs.
Le Comité a également relevé plusieurs divergences d'opinions importantes quant aux recommandations, la première touchant la création d'un droit statutaire à la déconnexion. Les représentants des syndicats et des ONG ont recommandé au gouvernement fédéral d'adopter une exigence législative visant à créer une politique de déconnexion du travail. De leur côté, les représentants des employeurs s'y opposent. Ils recommandent plutôt que le gouvernement fédéral encourage les parties à élaborer des politiques assurant un juste équilibre entre le travail et la vie personnelle des employés, puisque les exigences réglementaires pourraient éliminer la flexibilité nécessaire pour faire affaire avec les secteurs sous réglementation provinciale et d'autres organisations partout dans le monde. En outre, la création d'un droit statutaire à la déconnexion pourrait avoir une incidence sur d'autres avantages et privilèges déjà accordés aux employés, comme les modalités d'horaire flexible.
Le Comité a pu formuler une recommandation conjointe au cas où le gouvernement fédéral déciderait de légiférer sur un droit à la déconnexion, à savoir qu'un tel droit devrait néanmoins permettre aux employeurs de communiquer avec les travailleurs en situation d'urgence et de transmettre au besoin des renseignements essentiels sur la santé et la sécurité.
D'autre part, le Comité n'était pas d'accord avec la notion de « travail réputé ». En d'autres termes, il faut déterminer ce qu'est le travail par rapport à ce que signifie être au travail. Les représentants des employeurs ont recommandé que le travail réputé soit traité dans le cadre d'un processus de consultation distinct, puisqu'il s'agit d'une question différente du droit à la déconnexion. Selon eux, le travail réputé peut avoir des répercussions importantes sur les employeurs et le milieu de travail; aussi devrait-il faire l'objet d'un débat qui lui est propre. Les syndicats et les ONG ont recommandé la création d'une définition légale du travail réputé, parallèlement au droit statutaire à la déconnexion.
Enfin, pour ce qui est de la mise en œuvre, les représentants des employeurs recommandent d'accorder une attention particulière à ce nouveau fardeau administratif, puisque la pandémie et ses répercussions économiques continues pèsent déjà lourd sur les entreprises. Par ailleurs, selon les représentants des syndicats et des ONG, il est nécessaire de trouver un juste équilibre entre les intérêts économiques des employeurs et les difficultés financières auxquelles sont confrontés de nombreux travailleurs, ainsi que leur besoin d'être rémunérés pour le travail accompli.
Encore du chemin à faire
Le gouvernement fédéral étudie toutes les recommandations émises par le Comité et élabore son plan pour une politique sur le droit à la déconnexion au Canada. Nous continuerons de surveiller la situation et de la mettre à jour au fur et à mesure de son évolution. Si vous avez des questions au sujet de ce type de politiques ou de tout autre aspect du droit du travail, n'hésitez pas à communiquer avec nous.
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