« Ce n'est pas personnel, c'est pour le travail… » Cette phrase, je l'ai entendue à maintes reprises dans ma carrière et je suis certain que vous aussi. Mais elle s'applique rarement aux entreprises familiales – surtout quand il s'agit de planifier l'avenir – tout simplement parce que, dans une entreprise familiale, vie personnelle et travail sont indissociables.
J'ai récemment vécu une expérience qui illustre bien ce fait. Le fondateur d'une entreprise très prospère voulait me rencontrer pour parler planification de la relève. En quelques minutes, notre conversation s'est éloignée des affaires pour s'orienter sur la famille et sur ses espoirs, ses craintes, ses inquiétudes et ses aspirations. Pour l'homme d'affaires, bâtir une entreprise extrêmement florissante n'était rien à côté de la tâche qui l'attendait, à savoir transmettre son héritage aux personnes qui comptaient le plus dans sa vie.
La passation des pouvoirs d'une génération à l'autre ou la vente à un acquéreur externe déclenche chez les parties concernées toute une gamme d'émotions où s'entrechoquent la peur, la colère, le ressentiment, les attentes, sans parler de l'opinion de chacun sur ses droits et sa valeur. Or, ces sentiments, si l'on n'y prend garde, peuvent étouffer dans l'œuf le processus de planification.
La famille fonctionne comme un microcosme et aucune entreprise familiale n'est à l'abri des conséquences émotionnelles que soulève la planification de la relève. C'est pourquoi il est essentiel que le plan de continuité de l'entreprise reconnaisse l'existence de tels sentiments et prévoit suffisamment de latitude pour en discuter et les gérer de manière productive.
À quoi s'attendre
L'attitude à l'égard de la relève peut varier d'une génération à l'autre. Les fondateurs de la première génération, par exemple, éprouvent à juste titre un sentiment puissant et très concret de propriété. Après tout, ils ont investi une part importante de leur vie dans le développement d'une organisation qui fait vivre leurs familles, leurs employés et les familles de leurs employés. Leur identité est étroitement liée à ce qu'ils ont construit et ils sont souvent réticents à séparer leur nom de leur œuvre. Or, ce sentiment répandu et compréhensible peut les empêcher de lâcher du lest afin de permettre à quelqu'un d'autre de poursuivre leur bon travail.
Des problèmes de confiance peuvent également se poser. Paradoxalement, la première génération utilise souvent les ressources financières qu'elle a accumulées pour éviter à ses enfants le travail acharné et les échecs qui ont pourtant contribué à sa réussite. Non seulement cette protection contre les coups durs prive-t-elle les héritiers des deuxième et troisième générations de leçons essentielles, elle peut aussi les maintenir à distance de la table des dirigeants et retarder le transfert des connaissances et des compétences qui les prépareraient à des rôles plus importants – et à la reprise du flambeau.
Par ailleurs, des tensions peuvent naître entre les héritiers et leurs propres enfants du fait que les générations montantes se sentent parfois obligées d'imiter les fondateurs. Cela peut conduire à des niveaux contreproductifs de surcompensation et de compétition et, si le sentiment d'inadéquation ne peut être apaisé, à un désengagement total. De tels comportements nuisent à l'entreprise et peuvent faire dérailler ou retarder la mise en place d'un plan de relève mobilisateur.
Réseau de soutien à la rescousse
Le poids de la planification peut s'étendre au-delà du bureau et des héritiers. Ainsi, il est fréquent que les conjoints n'ayant aucune participation financière apportent un soutien émotionnel à leurs partenaires de la première génération et à leurs enfants de la deuxième génération. Dans de nombreux cas, ils doivent aider leur partenaire à surmonter le stress et la peur qui accompagnent l'abandon de l'œuvre d'une vie, tout en essayant d'apaiser les appréhensions des successeurs des deuxième et troisième générations.
Des tensions peuvent surgir entre les frères et sœurs ou avec les membres de la famille élargie qui font partie de l'entreprise et ceux qui n'en font pas partie. L'envie et le ressentiment vont dans les deux sens : certains peuvent être jaloux de ceux qui bénéficient d'opportunités qu'ils estiment leur avoir été refusées et, inversement, ceux qui font partie de l'entreprise peuvent avoir l'impression de porter un fardeau démesuré et envier la vie apparemment facile et sans fardeau de leurs frères et sœurs ou cousins restés à l'écart.
Savoir gérer les émotions
Les discussions sur l'avenir de l'entreprise familiale peuvent vite s'enflammer. Pour les gérer de manière adéquate, il est important de reconnaître qu'elles existent et qu'elles sont normales, et de les garder à l'esprit tout au long du processus de planification de la relève. Cela nécessite un dialogue ouvert et cohérent, une rétroaction continue de la part de toutes les parties et des perspectives impartiales qui peuvent aider les membres de la famille à trouver un terrain d'entente.
Rappelez-vous qu'aucun plan n'est parfait. Les sentiments évoluent, les priorités peuvent s'affronter et il y aura toujours des circonstances imprévues qui nécessiteront une réflexion approfondie, basée sur des stratégies éprouvées et non sur des réactions personnelles. Là encore, le fait d'être à l'écoute des autres et d'accorder la latitude nécessaire pour exprimer et gérer les sentiments qui peuvent se manifester aidera à préserver l'unité familiale en cette étape tout aussi cruciale que riche en émotions.
La planification de la relève est un processus complexe dont le succès réside dans l'équilibre entre la gestion d'émotions fortes et le soutien indépendant que des guides impartiaux et de confiance peuvent vous procurer à chaque étape du processus.
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