Il arrive parfois qu’une entreprise puisse se voir enrôler une imposition qu'elle conteste au moyen de l’introduction d'une réclamation ou d'une demande de dégrèvement. Comment faire apparaître la dette ? Et parallèlement, une créance est-elle à prendre en considération ?
Pour rappel, dès qu’une dette fiscale est enrôlée, elle doit être reprise au passif du bilan et au compte de résultats. L'enrôlement crée en effet dans le chef de l’entreprise une dette privilégiée et exigible immédiatement ou à court terme. Ce ne serait que dans l'hypothèse où l'imposition serait incontestablement nulle, comme c’est le cas, par exemple, pour vice de forme, ou lorsqu’elle ne repose sur aucun fondement, ce qui arrive pour cause d'erreur matérielle par exemple, que la non-inscription de l’imposition au passif pourrait être justifiée.
Néanmoins, si l’entreprise introduit une réclamation ou une demande de dégrèvement d'office, elle doit la traiter de façon appropriée dans sa comptabilité. La Commission des Normes Comptables souligne que si l’entreprise comptabilise à cet égard une créance ou débite éventuellement un compte de dettes (en l’espèce, le sous-compte 4529 Impôts contestés créé à cet effet), cela suppose qu’elle puisse évaluer cette créance de manière raisonnable et avec la prudence requise. Par conséquent, une telle créance ne correspond pas nécessairement, et même dans la plupart des cas, ne correspondra pas, au montant du dégrèvement ou de la réclamation introduite. Ainsi, si l’issue du dégrèvement ou de la réclamation est incertaine, l’entreprise sera dans l’impossibilité d’enregistrer une créance.
Enrôlement complémentaire après la date de clôture de l’exercice
Si après la clôture de l'exercice mais avant l'établissement des comptes annuels par l'organe d’administration, des impositions additionnelles importantes relatives à des revenus d’exercices antérieurs sont enrôlées à charge d’une entreprise, cette dernière doit les reprendre dans ses comptes annuels.
Si ces impositions additionnelles ne sont pas contestées par l’entreprise, l’organe d’administration en tiendra compte pour déterminer les charges fiscales estimées.
Par contre, si l’entreprise les conteste, la question de leur comptabilisation se posera.
Selon l'avis de la Commission, il y a lieu de tenir compte de l’article 3:11 de l’AR CSA., aux termes duquel il importe de tenir compte de toutes les charges et de tous les risques relatifs à l'exercice considéré ou à des exercices antérieurs, même s’ils ne sont connus qu'entre la date de clôture et la date d'établissement des comptes annuels par l’organe d’administration. En l’espèce, le risque concerne ici manifestement des exercices antérieurs. En effet, tous les éléments de l'imposition existaient déjà avant la fin de l'exercice clôturé. Dès lors, le risque est né avant la fin de l’exercice, même s'il n'a été révélé qu'après cette date.
L’organe d’administration devra donc provisionner la charge fiscale qui, selon une appréciation prudente, sincère et de bonne foi, va grever effectivement le patrimoine de l’entreprise.
C’est alors à l’organe d’administration d’apprécier le montant de la provision en fonction de l'ampleur de la charge fiscale probable, compte tenu des recours introduits. Par conséquent, la dette à comptabiliser ou la provision à constituer à la date de clôture de l’exercice ne doit pas être égale au montant de l'enrôlement reçu ou prévu mais au montant estimé de la charge qui, en définitive, incombera à l'entreprise. En revanche, l'introduction d'une réclamation ne justifie pas, à elle seule, la non-constitution d'une provision à concurrence de la charge fiscale effective probable.
A noter que si l'application de ces dispositions ne suffit pas pour satisfaire au principe général suivant lequel les comptes annuels doivent donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de la société, des informations complémentaires doivent être fournies dans l'annexe des comptes annuels. Ces indications sont reprises dans les schémas complets, abrégés et micros, respectivement aux pages C 6.20, A 6.9, M 6.6.
Exemple
Une entreprise a reçu un avertissement-extrait de rôle exigeant le paiement d'un supplément d'impôt d'un montant de 130.000 €. L'entreprise a introduit une réclamation contestant l'impôt à concurrence de 95.000 €
Ecriture lors de la réception de l'avertissement extralt de rôle.
6710 | Suppléments d'impôts dus ou verses |
130.000 |
à 452 Impôts et taxes à payer |
130.000 |
Ecriture lors de l'introduction de la réclamation ou de la demande de dégrèvement d'office
412 | Impôts et précomptes à récupérer | 95.000 |
à 6710 Suppléments d'impôts dus ou versés | 95.000 |
Ecritures à la suite de la confirmation d'un dégrèvement à concurrence de 94.000 qui est accepté par l'entreprise
6710 | Suppléments d'impôts dus ou verses | 1.000 |
à 412 Impôts et précomptes à récupérer | 1.000 |
Provisions pour charges fiscales
Constitution de la provision
En raison d'une contestation, il est tenu compte d'un éventuel supplément d'impôts afférents à un exercice antérieur de l'ordre de 80.000 €.
6712 | Provisions fiscales constituées | 80.000 |
à 161 Provisions pour charges fiscales | 80.000 |
Utilisation de la provision
Le supplément d'impôt s'élève in fine a 83.000 €.
161 | Provisions pour charges fiscales | 80.000 |
6710 | Suppléments d'impôts dus ou versés | 3.000 |
à 452 Impôts et taxes à payer | 83.000 |
Le supplément d'impôt s'élève en définitive à 78.000 €.
161 | Provisions pour charges fiscales | 80.000 |
à 452 Impôts et taxes à payer | 78.000 | |
7712 | Reprises de provisions fiscales | 2.000 |
Sur le plan fiscal …
La question a été posée de savoir si le mode de comptabilisation préconisé, à savoir, d'une part la prise en charge du montant enrôlé et d'autre part, l'inscription à l'actif de l'estimation du recours introduit contre la taxation, restait sans influence sous l'angle fiscal. Suivant l’avis 128/2 de la Commission des Normes Comptables, en cas d'imposition contestée, l'Administration ne considère - conformément à l'article 410 du C.I.R.92 - comme dette liquide et certaine pouvant être recouvrée, que l'impôt correspondant au montant des revenus déclarés ou admis par le contribuable. Il s'ensuit alors que la quotité critiquée de l'impôt comptabilisée au passif du bilan constitue, à défaut de paiement, une réserve taxable et non une dépense non admise.
Toutefois, si le contribuable comptabilise au cours du même exercice comptable, à l'actif du bilan, la créance qu'il estime détenir sur l'Etat par suite de l'introduction d'une réclamation à l'encontre d'une imposition, il n'y a pas lieu de reprendre le montant de la créance parmi les bénéfices réservés imposables. Aucune rectification ne s'impose en ce cas sur le plan fiscal.
Auteurs : Riyahi Zineb, Supervisor Accounting et Lebailly Denis, Director