Le 20 décembre 2021, l'administration de la TVA a publié une circulaire sur l'installation de stations de recharge destinées aux véhicules électriques ainsi que les livraisons et prestations de services relatives à ces stations de recharge. Avec ce document, l'administration de la TVA clarifie les règles applicables en matière de TVA (nature de l'opération, taux de TVA et droit à déduction) pour l'installation de stations de recharge et la recharge de véhicules électriques.

Livraison avec installation d'une station de recharge

La notion de station de recharge désigne des bornes de recharge et des points de recharge.

La livraison avec placement d'une borne de recharge incorporée dans le sol est qualifiée de travail immobilier.

La livraison avec placement d'un point de recharge dans un bâtiment n'a en principe pas la qualification de travail immobilier. Une opération de ce type est toutefois considérée comme une opération assimilée à un travail immobilier, puisqu'elle consiste en la fixation, à un bâtiment, de tout ou partie des éléments constitutifs d'une installation électrique (article 20, § 2, al. 2, 1°, c) de l'arrêté royal n° 1). Si l'assimilation précitée ne s'applique pas, la livraison avec placement d'un point de recharge est considérée, aux fins de la TVA, comme une livraison d'un bien avec installation.

Eu égard à la qualification TVA de travail immobilier (assimilé) ou de livraison avec installation, la livraison avec placement d'une station de recharge a lieu, en matière de TVA, respectivement, à l'endroit où la station se situe (article 21, § 3, 1° et article 21bis, § 2, 1° du Code TVA) ou à l'endroit où l'installation est effectuée (article 14, § 3 du Code TVA).

Par conséquent, si la station de recharge est placée en Belgique, c'est en principe la TVA belge qui est due, et ce au taux normal de 21 %.

Si la livraison avec placement de la station de recharge a la qualification de travail immobilier (assimilé), il est possible d'appliquer un taux réduit de TVA dans certains cas et moyennant le respect des conditions de son application.

Il en est par exemple ainsi lorsque la station de recharge est installée dans une habitation (par exemple celle d'un travailleur) qui est utilisée comme logement privé depuis au moins dix ans (6 %, voir la rubrique XXXVIII, § 3, c) du tableau A de l'annexe à l'arrêté royal n° 20).

Pour appliquer le taux de TVA réduit, il est toutefois important que la livraison et l'installation de la station de recharge se rapportent à l'habitation proprement dite à laquelle le taux réduit s'applique. Dans sa circulaire, l'administration de la TVA explique que c'est le cas si la station de recharge est placée :

  • dans le logement privé proprement dit ou sur sa façade extérieure ; ou
  • dans le garage ou le carport de l'occupant du logement privé ou encore sur la façade de ces annexes, ce qui inclut les boxes de garage privatifs des immeubles à appartements et les places de stationnement privatifs situées dans ou sous les immeubles à appartements, pour autant que l'appartement dont ils dépendent soit utilisé comme habitation privée ; ou
  • sur la voie d'accès reliant la voie publique au garage qui fait partie de l'habitation proprement dite ou reliant l'accès principal à l'habitation ou au bâtiment ; ou
  • sur la terrasse extérieure faisant partie intégrante de l'habitation, puisqu'elle y est attenante.

Si la station de recharge n'est pas installée dans l'habitation proprement dite ou, plus généralement, si elle l'est à un autre endroit que ceux mentionnés ci-dessus, le taux normal de 21 % s'applique. La circulaire évoque à cet égard la situation dans laquelle la station de recharge est installée dans le jardin attenant à l'habitation ou sur un emplacement de parking, près d'une allée ou devant un bâtiment ou dans un box de garage qui ne dépend pas de l'habitation privée de l'occupant (par exemple celui-ci loue un box à proximité de l'habitation privée).

En ce qui concerne la condition précisant que l'opération doit être fournie et facturée à un consommateur final (voir la rubrique XXXVIII, § 1er, 4° du tableau A de l'annexe à l'arrêté royal n° 20), la circulaire spécifie que le taux de TVA réduit de 6 % s'applique également dans le cas où la station de recharge reste la propriété de l'employeur et que ce dernier la met à la disposition de l'employé moyennant paiement d'une rémunération ou pas. En effet, c'est l'affectation de l'immeuble qui est déterminante en la matière et non le statut de la personne juridiquement maître de l'ouvrage. Étant donné que la destination finale du service consiste à utiliser la station de recharge dans une habitation privée, ladite condition est remplie.

L'administration de la TVA précise que, si l'habitation est affectée dans une mesure prépondérante à des fins privées et si l'utilisation professionnelle est seulement accessoire, le taux réduit est applicable à l'installation de la station de recharge. En revanche, si c'est l'usage privé de l'habitation qui n'est qu'accessoire, le taux réduit de 6 % reste limité aux travaux se rapportant effectivement à l'habitation privée.

L'arrêté royal n° 20 comprend diverses autres rubriques sur l'application des taux réduits de TVA aux travaux immobiliers. Si les conditions concernées sont remplies, l'installation d'une station de recharge peut également avoir lieu à un taux réduit dans ces cas (par exemple des logements privés pour handicapés, des établissements pour handicapés, un logement dans le cadre de la politique sociale et des bâtiments destinés à l'enseignement).

En principe, la TVA sur l'installation d'une station de recharge est due par le prestataire du service/fournisseur. Dans le cas d'un travail immobilier (assimilé), c'est le cocontractant qui en sera redevable, au taux applicable (report de perception fondé sur l'article 20, § 1er de l'arrêté royal n° 1 si l'opération est effectuée par un prestataire de services établi en Belgique, sur l'article 51, § 2, 5° du Code TVA si l'opération est accomplie par un prestataire de services non établi en Belgique), si c'est un assujetti établi en Belgique qui dépose des déclarations périodiques à la TVA ou un assujetti non établi en Belgique qui a désigné un représentant responsable sous un numéro individuel.

En pratique, il arrive souvent que le contrat conclu avec l'installateur de la station de recharge englobe, outre sa livraison et son placement (objet principal), son entretien et d'autres services accessoires (application/accès à une plateforme numérique pour suivre les séances de recharge…). Selon la circulaire, dans ces circonstances, le report de perception s'applique sur la totalité du contrat à condition que chaque facture fasse référence au contrat concerné ayant comme objet principal la livraison et l'installation de la station de recharge. Dans un tel scénario, l'entretien et les autres services accessoires peuvent également bénéficier du taux réduit de TVA auquel la livraison et l'installation pouvaient éventuellement prétendre.

Ensuite, la circulaire se penche sur le droit à déduction de la TVA qui a grevé les frais d'installation. À cet égard, il importe de faire remarquer que les frais afférents à l'installation d'une station de recharge n'ont pas la qualification de frais de voiture. Il s'ensuit que la limitation de la déduction de la TVA à 50 % maximum ne s'applique pas.

La circulaire distingue les cas suivants :

  • la station de recharge installée au sein de l'entreprise. Si la station est utilisée pour effectuer des opérations taxables dans le cadre de l'activité économique ouvrant droit à déduction, la TVA frappant les frais de cette installation est entièrement déductible. Ce sera le cas lorsque la station de recharge est utilisée par les administrateurs, gérants et travailleurs d'une entreprise bénéficiant d'un droit à la déduction totale, lorsque les clients ou les fournisseurs de cette entreprise peuvent utiliser la station de recharge dans le cadre de leur visite à cette entreprise (moyennant paiement ou non) ou encore lorsque des tiers peuvent utiliser cette station contre paiement. En cas d'utilisation mixte, la déduction est limitée ;
  • la station de recharge installée par l'employeur chez le travailleur et :

    • mise à la disposition de ce dernier à titre gratuit : la déduction doit être limitée à concurrence de l'utilisation professionnelle de la voiture électrique mise à la disposition du travailleur. L'utilisation professionnelle de la voiture électrique est déterminée selon l'une des méthodes décrites dans la circulaire 36/2015 ;
    • mise à la disposition du travailleur à titre onéreux (par exemple par le biais d'une diminution de son salaire net) : la déduction n'est pas soumise à une limitation si la mise à disposition s'opère moyennant une rémunération égale à la valeur normale conformément à l'article 32 du Code de la TVA, la méthode de calcul à prendre en compte dans ce cas-là étant celle décrite dans la circulaire 36/2015.

Lorsque la station de recharge quitte gratuitement le patrimoine de l'entreprise, la déduction exercée doit être en principe corrigée selon la méthode du prélèvement (article 12, § 1er, 1° du Code TVA, pour les stations de recharge considérées comme ayant un caractère mobilier, en association avec une révision positive telle que visée à l'article 10, § 1er, premier alinéa, 3° de l'arrêté royal n° 3) ou par le biais de la méthode de la révision (article 10, § 1er, premier alinéa, 1° de l'arrêté royal n° 3, pour les stations de recharge immeubles par nature). Compte tenu du fait qu'un employeur n'est pas toujours en mesure de déterminer clairement si la station de recharge installée chez l'un de ses travailleurs a la qualification de meuble ou d'immeuble, l'administration ne lui adressera pas de critiques s'il se borne à pratiquer une révision.

Recharge de véhicules électriques à une station de recharge

Ensuite, la circulaire s'intéresse aux règles TVA régissant le prélèvement d'électricité par le biais de stations de recharge. L'administration établit à ce sujet une distinction entre le prélèvement d'électricité sur une station de recharge (semi-)publique, d'une part, et celui effectué sur une station mise à la disposition de travailleurs, d'autre part.

Stations de recharge (semi-)publiques

En pratique, la recharge de véhicules électriques à une station (semi-)publique implique généralement les parties suivantes, comme l'illustre le schéma ci-dessous.

Le consommateur conclut un contrat avec un émetteur d'abonnements/badges de recharge ou d'applications, l’e-mobility service provider (aussi appelé en abrégé « eMP » ou « eMSP »). L'eMP fait en sorte que le consommateur ait accès à une station (semi-)publique et puisse lancer une séance de recharge, divers services étant également fournis au consommateur (réservation d'une station, communication d'informations à son sujet [emplacement, en activité, occupée, hors service…], assistance téléphonique…). L'eMP facture ces services et le prélèvement d'électricité au consommateur.

Pour pouvoir proposer ces prestations aux consommateurs, l'eMP conclut des contrats avec divers opérateurs de stations de recharge : les charge point operators (« CPO »). Le CPO fournit
à l'eMP des informations sur les stations de recharge (par exemple leur disponibilité, leur localisation, leur type, la disponibilité d'un parking), assure l'accès à ces stations, offre éventuellement une assistance technique sur place et assure le chargement électrique des véhicules. Le CPO facture l'ensemble de ces services à l'eMP, ainsi que le chargement d'électricité.

Le comité TVA a décidé à l'unanimité que les prestations fournies par le CPO à l'eMP et celles fournies par l'eMP au consommateur ont la qualification, aux fins de la TVA, de livraison d'électricité (élément principal) [Il est à noter que l'Italie n'est plus d'accord avec cette façon de voir et qu'elle a demandé la réouverture des débats au sein du comité TVA (document de travail 1012 du 17 mars 2021).]. Les services (de recharge) sont dès lors soumis au régime TVA de l'élément principal à titre d'accessoires.

Sous l'angle de la TVA, l'électricité est considérée comme un bien corporel, la livraison d'électricité étant dès lors régie par des règles spécifiques en matière de localisation aux fins de la TVA (voir l'article 14bis du Code TVA). Ces règles impliquent que :

  • dans la relation entre un eMP (établi en Belgique) et un consommateur, c'est la TVA belge (21 %) qui est due si le véhicule électrique est rechargé sur une station localisée en Belgique (voir l'article 14bis, b) du Code TVA : la livraison a lieu à l'endroit où le consommateur utilise et consomme effectivement l'électricité). Si l'eMP n'est pas établi en Belgique, le report de perception tel que visé à l'article 51, § 2, 5° du Code TVA s'applique aux séances de recharge en Belgique, pour autant que les conditions soient remplies. Si la station se trouve hors de Belgique, ce n'est pas la TVA belge qui est due, mais celle de l'État membre de l'Union européenne où la recharge a lieu. Cela peut entraîner des enregistrements de l'eMP à la TVA dans d'autres États membres ;
  • dans la relation CPO-eMP (revendeur de l'électricité achetée dont la consommation propre est négligeable), la livraison est réputée se dérouler à l'endroit où l'eMP a établi le siège de son activité économique ou son établissement stable (voir l'article 14bis, a) du Code TVA). Si le CPO n'est pas établi dans le même État membre de l'Union européenne que l'eMP, la TVA est due par ce dernier. Ainsi, un eMP établi en Belgique qui conclut un contrat avec un CPO non établi en Belgique en vue de la recharge de véhicules électriques est tenu d'acquitter la TVA belge par le biais de ses déclarations périodiques à la TVA belge (voir l'article 51, § 2, 6° du Code TVA).

Stations de recharge mises à la disposition des travailleurs

Dans ce cas-ci, le travailleur reçoit périodiquement de son fournisseur d'électricité des factures pour l'électricité qu'il consomme à son domicile. Ensuite, son employeur lui rembourse l'électricité qui sert à recharger la batterie de sa voiture électrique de société.

Dans ce contexte, l'employeur conclut normalement un contrat avec un eMP. Les conséquences en matière de TVA dépendent de l'ampleur de l'intervention de cet eMP telle que fixée dans le contrat passé avec l'employeur. La circulaire distingue trois possibilités :

  • première possibilité : l'employeur rembourse l'électricité directement au travailleur.
    Dans ce cas, l'eMP enregistre les recharges effectuées à domicile (en général, via une plateforme) et met ces données à la disposition de l'employeur qui les utilise pour rembourser son employé (sur la base d'une indemnité par kWh convenue).
    L'eMP fournit un service qui a lieu en Belgique si l'employeur y est établi (article 21, § 2 du Code TVA). La TVA belge (21 %) grevant ce service est déductible dans le chef de l'employeur conformément aux règles normales et ne tombe pas sous le coup du plafonnement de la déduction selon l'article 45, § 2 du Code TVA.
    L'administration de la TVA postule qu'en principe, le travailleur n'acquiert pas la qualité d'assujetti pour la livraison de l'électricité à l'employeur moyennant rémunération. Il en serait même ainsi si le travailleur exerçait une activité pour laquelle il a le statut d'assujetti. La fourniture de l'électricité par le travailleur à l'employeur n'est par conséquent pas soumise à la TVA. L'analyse serait cependant différente si le travailleur mettait la station de recharge à la disposition du public ;
  • deuxième possibilité : l'employeur fait appel à l'eMP pour rembourser l'électricité au travailleur, l'eMP agissant au nom et pour le compte de l'employeur.
    Par rapport au premier scénario, l'eMP intervient en plus pour rembourser les recharges à domicile au travailleur au nom et pour le compte de l'employeur, le contrat prévoyant que c'est toujours l'employeur qui achète l'électricité directement chez le travailleur.
    Le service presté par l'eMP reste le même que dans le premier scénario, son intervention dans le règlement financier étant considérée comme ayant un caractère accessoire. La TVA belge (21 %) frappant ce service est déductible dans le chef de l'employeur belge conformément aux règles normales et ne tombe pas sous le coup du plafonnement de la déduction visée à l'article 45, § 2 du Code TVA.
    Le recouvrement par l'eMP de l'employeur de la rémunération que l'eMP a payée au travailleur au nom et pour le compte de l'employeur a, aux fins de la TVA, la qualification de débours (voir l'article 28, 5° du Code TVA) et n'est pas soumis à la TVA. La livraison de l'électricité par le travailleur à l'employeur n'est, en principe, pas soumise à la TVA (voir ci-dessus la première possibilité) ;
  • troisième possibilité : l'employeur fait appel à l'eMP pour rembourser l'électricité au travailleur, l'eMP agissant en nom propre et pour son propre compte.
    Dans cette situation, l'eMP achète l'électricité au travailleur et la revend à l'employeur. Il prend donc activement part à la chaîne d'approvisionnement.
    En principe, la livraison de l'électricité à l'eMP par le travailleur n'est pas soumise à la TVA (voir ci-dessus la première possibilité).
    Les prestations de l'eMP (fourniture d'électricité et de services) à l'égard de l'employeur sont considérées dans leur intégralité comme une livraison d'électricité. L'analyse en matière de TVA est la même que pour la consommation d'électricité via une station (semi-)publique.

L'achat d'électricité en vue de sa consommation par un véhicule électrique est considéré, aux fins de la TVA, comme constitutif de frais de carburant. La TVA belge grevant les recharges (voir les recharges dans des stations (semi-)publiques en Belgique et celles au domicile de travailleurs en Belgique selon la troisième possibilité) n'est donc déductible qu'en fonction de son usage professionnel, la limitation de la déductibilité de la TVA selon l'article 45, § 2 du Code TVA ne devant pas être perdue de vue non plus.

Si la consommation d'électricité par véhicule est mesurable séparément, le droit à déduction peut être déterminé selon le même régime de déductibilité que celui du véhicule (voir l'une des méthodes décrites dans la circulaire 36/2015 où, si l'on met en œuvre la première ou la deuxième méthode ou les deux, il est possible d'appliquer un pourcentage moyen global de déduction (voir le point 3.3.2.2. de la circulaire 36/2015)).

Si, en revanche, le chargement d'électricité au moyen de la station et l'autre consommation d'électricité ne sont pas mesurables séparément, le pourcentage de déduction doit être déterminé sous le contrôle de l'administration.

Conclusion

La circulaire a le mérite d'apporter des éclaircissements sur divers points qui, dans la pratique, débouchaient souvent sur des divergences d'opinions, et constitue un complément bienvenu aux directives (impôts directs et accises) publiées précédemment à l'occasion de l'adoption de la loi organisant le verdissement fiscal et social de la mobilité. Il ne fait pas de doute que la voie empruntée pour électrifier le parc de voitures de société, avec son arsenal d'avantages fiscaux visant à stimuler l'acquisition de véhicules électriques et de stations de recharge, ainsi que les stratégies ESG des entreprises, soulèveront d'autres questions. Dès lors, les entreprises qui songent à offrir à leurs travailleurs des véhicules hybrides et/ou EV par le biais de plans cafétéria et à autoriser les recharges sur leur site feront bien d'aborder le problème en suivant une démarche globale, de préférence en gardant présentes à l'esprit les taxes sur l'électricité (par exemple le droit d'accise spécial et la cotisation sur l'énergie).


Kris Eeckhout & Anthony de Scheerder

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