La mise en place d’un Parquet européen était très attendue dans un contexte de fraude internationale qui nuit fortement aux intérêts financier de l’Union Européenne et de ses États membres.
Un sérieux « trou TVA » au budget !
À eux seuls, les montants annuels de la fraude TVA justifient la création au niveau européen de cette nouvelle institution. Chaque année, les États sont privés de 50 à 100 milliards EUR de recettes TVA ! À titre de comparaison, le budget de l’Union européenne pour l’année 2020 est d’un peu plus de 327 milliards EUR.
Ce que certains nomment le VAT gap, résulte notamment d’une :
- règlementation TVA, toujours « provisoire », trop faiblement harmonisée et par conséquent sensible à la fraude, et
- répression pénale mal armée face à ce type de fraude internationale. Les compétences sont actuellement morcelées entre l’OLAF (l’Office européen de lutte antifraude), compétent sur le territoire européen pour mener des enquêtes uniquement administratives (sans poursuites donc), et les parquets nationaux qui disposent de pouvoirs circonscrits territorialement.
Des réponses finalement en vue ?
Si la Commission s’attèle à rendre la législation TVA plus harmonisée avec des réformes prévues pour 2021 et 2022, les tentatives de fraude existeront toujours. Renforcer le système répressif en parallèle apparaît donc comme une évidence à cet égard.
La création du Parquet européen répond à cet objectif. Via son bureau central et ses procureurs affectés dans les États membres, il sera compétent pour diligenter des investigations pénales afin de lutter contre la fraude internationale qui nuit au budget de l’Union européenne. Le Parquet mènera donc des enquêtes sur des faits estimés frauduleux et décidera ensuite de poursuivre et de renvoyer les auteurs devant les juridictions de l’un ou l’autre État.
Le mécanisme longtemps attendu semble déjà victime de son succès : alors que le procureur représentant chaque État a été nommé au milieu de l’été et que le Parquet européen ne devrait entrer en fonction que d’ici la fin l’année, plus de 3.000 affaires ont déjà été transmises par les autorités nationales !
Quoique…
À l’heure actuelle toutefois, la prudence reste de mise, pour trois raisons au moins :
- les États membres n’ont pas tous pris part au processus de coopération renforcée visant à créer le Parquet européen. Danemark, Royaume-Uni, Irlande, Pologne, Suède et Hongrie se sont en effet abstenus. En l’absence d’unanimité ces 20 dernières années, c’est via le mécanisme de coopération renforcée que les 22 autres États membres ont décidé d’avancer et reconnaîtront la compétence du Parquet européen sur leurs territoires respectifs ;
- créer un Parquet Européen visait à éviter que les intérêts financiers de l’Union Européenne ne soient mis en péril par les limites de compétences des États membres en matière de poursuites. Pourtant, après des poursuites au niveau européen, seuls les juges nationaux pourront trancher. Cela ressemble à un système non abouti, même si cela s’inscrit bien dans l’esprit de subsidiarité de la construction européenne. Quel sera l’effet des règles nationales en matière de vice de procédure, de prescription, … et comment seront-elles appliquées dans ces contextes de fraudes par essence internationaux ?
- la limitation des prérogatives du Parquet européen en matière TVA laisse enfin pantois : la fraude visée doit impliquer à tout le moins deux États membres pour un préjudice minimum de 10.000.000 EUR. Les tout gros poissons n’ont qu’à bien se tenir, mais il reste de la marge pour ce que d’aucuns ont appelé avant nous les « Ordinary Decent Criminals»...
En conclusion, la mise en place d’un Parquet européen était un projet noble et intuitivement sensé. Sa mise en œuvre fut laborieuse et jonchée de compromis. Réjouissons-nous certes de la naissance, tout en espérant que la montagne n’ait pas accouché d’une souris, car ne dit-on pas depuis le XVIIème siècle au moins que : « C'était promettre beaucoup : mais qu'en sort-il souvent ? Du vent. » ? (La montagne qui accouche, Jean de La Fontaine, Livre V, fable 10).
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